27/03/2007

27 mars 1937

robert je suis mort je suis mort je suis resté allongé et je fermais les yeux si fort j'ai cru ne jamais pouvoir les rouvrir c'était un horrible cauchemar robert le pire de tous la plus grande perspective jamais admise je

robert je scande votre nom, accroupi au pied de la cheminée, dans mon bureau. j'espère que ma voix vous atteindraoù que vous soyez je suis terrifié robert venez m'aider, j'ai couru depuis l'hopital, je ne voulais plus qu'ils me touchent avec leurs gants je suis revenu ici je me suis enfermé j'avais mal au ventre je voyais mes tripes répandues sur le parquet je les remettais en place et puis elles disparaissaient mon ventre palpitait, ma digestion, ralentie, les dernières boites d'haricots blancs en boite, depuis longtemps périmés, et les boules noires qui se multiplient, excroissances, bulles irridescentes comme le vénérable passeur de porte l'entre les murs le néant entre deux choses, son nom je ne peux le proférer ici

où suis-je robert ? en enfer ? je ne peux plus sortir de ma chambre, derrière ma fenêtre, tout est noir, ma voix ne porte pas, et la serrure est bloquée, mes clés ont cassé, et il n'y a pas d'autre issue, alors je vous appelle, venez robert, prenez ma main, je la tends dans le conduit n'ayez pas peur venez attrapez pourquoi ne la prenez vous pas ?

je sais que vous m'entendez robert, qu'ai-je fait de ma vie ? pourquoi suis-je ici ? je voulais le néant et je reste bloqué dans ma chambre, je sais que je suis mort, je me décompose, très lentement, si lentement que je peux sentir la décroissance de mes cellules leur chute lente je ne sais combien de temps durera cette agonie de rien je m'éparpille, je n'ai plus de structure, toute ma pensée est concentrée sur ce point, dans mon ventre, qui ne cesse pas de vouloir sortir de moi. si je ne quitte pas cette pièce, je vais mourir, encore. et je serai toujours en vie, quelle ironie, n'y avait-il que cela à comprendre de ces cthulhurismes, l'agonie perpétuelle, l'immense masse de tristesse et de souffrance.

non, je ne me résigne pas, toute ma vie j'ai combattu l'idée même du vivant, je connais cette agonie, je connais cette déliquescence, elle suinte du monde, depuis le début, on ne peut pas la combattre mais de l'autre côté, en son coeur même, peut-être avons-nous une chance, si nous la touchons au plus près de son coeur, jusqu'à ébranler ses fondations. prenez ma main, ensemble nous avons une chance, je ne vais pas abandonner, ma conscience est trop lourde, je veux disparaitre, je ne veux pas d'une torture je n'en peux plus robert je vous comprends je comprends votre geste, vous aussi vous espériez quelque chose, que quelque chose se passe. et voilà, ce qui se passe, c'est la répétition, de plus en plus précisé et je ne veux pas, je ne veux plus, je vais me battre, je serai randolph carter, robert, puisqu'une chance m'est donnée

ah mais je défaille, j'ai tellement peur. et si je n'étais pas mort ? et si simplement, le monde avait cessé d'exister ? si j'étais l'unique survivant d'une catastrophe à l'échelle de la planète, sommes-nous dans la bouche d'un dieu ? l'assombrissement est-il le signe de la présence immanente du contraire ? de ses molécules, de l'anti-nous ? l'essence même de la réalité, retournée contre ell-même... comment expliquer ces ténèbres derrière la fenêtre. non, ceci n'est pas l'enfer, on va venir s'occuper de moi, elle va venir me mettre au lit, j'ai de la fièvre, j'ai tellement chaud, je dois me mettre au lit, avec un chiffon sur les yeux. je ne peux pas sortir d'ici, je vais attendre qu'ils viennent...

robert

je sais qui je suis

et si j'étais mort ?

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