29/01/2007

29 janvier 1937

Cher M. Lovecraft,
Etes-vous le complice de cette illusion ? Si c’est le cas, soyez maudit ! Sinon, expliquez-moi, je vous en supplie. Où suis-je ? Je crois prendre le dessus dans le combat et un coup arrive sous ma garde qui me jette au sol… C’est sans doute là la nature profonde de cet endroit. Rien n’est certain, rien n’est sûr, même la terre sous vos pas se défausse. La mort elle-même est sujette à caution… J’ai accepté cette proposition de Lazy Jack, que tous les gouffres l’avalent ! Je n’ai même plus votre lettre, elle est restée cachée là-bas, j’ai peur de la déterrer et de découvrir une simple page blanche. Pourtant, il n’y a qu’elle qui détonne, qui me donne un peu d’espérance. Suis-je proche ? Suis-je loin ?

Ne vous trompez pas, je ne suis pas de ces naïfs auteurs auprès desquels vous perdez votre temps afin de les sortir de la médiocrité (alors que c’est votre talent, que vous leur insufflez). Je ne suis pas Derleth, je ne suis pas ce rôdeur qui vient vous hanter la nuit, ni un enfant qui se raconte des histoires. La souffrance ne ment pas. Ce que je suis, je vous l’ai dit. Je ne vous demande pas de croire, mais de constater ! Mon récit est invraisemblable ? Cela prouve qu’il est fidèle !

Je serai bref, je veux que cette lettre parte vite. J’ai suivi Lazy Jack à Basie, avec la bénédiction du jeune Young (voici donc la marque de l’ascendant de ce Noir sur le procurator…), je l’ai vu poster mes lettres pour vous, ou plutôt les remettre à un complice. Je croyais, une fois arrivé en ville, pouvoir soulager un peu mon âme en l’éloignant des mauvais effluves de la jungle mais c’est bien l’inverse qui s’est produit !

Les pensées m’échappent. Des vagues de terreur me hérissent la peau, je ne supporte pas ce bruit, cette lumière, ces images… J’ai des visions, sans cesse, dont je ne puis vous parler. Je ne vois plus le ciel. Le sol grouille de vermine. Votre lettre est-elle vraie ? Dois-je capituler ?

Je suis dans un drugstore, ou ce qui en tient lieu dans ces terres de détresse. Pour la nuit (quelle nuit ?) Lazy Jack m’a trouvé une paillasse, dans un dortoir auprès de la sienne propre. Je ne sais pas où nous allons, je ne sais pas quand nous partons. Répondez-moi : Robert Howard, logeant à la maison de la porte rouge, à Basie.
Votre serviteur.

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